On dit que le cheval est l’une des plus belles conquêtes de l’homme. Assurément. Entre l’homme et l’animal, durant des millénaires, une complicité est née.
Ce… dossier est passionnant surtout pour ceux qui sont épris d’histoire ! Pour le réaliser, vous aurez besoin, tout d’abord, d’une bonne documentation à l’effet d’éviter d’escamoter un fait historique, des moments inoubliables qui ont marqué, à une certaine époque, l’histoire de l’humanité. Malheureusement, et comme l’on veut faire croire que tout vient des «pays développés», il faut éviter de faire trop confiance à ce que vous trouveriez dans les recueils étrangers et se contenter de ce qui a été soigneusement conservé dans nos musées, écrits par nos historiens et surtout conservé par ceux qui, depuis toujours, veillent sur un riche patrimoine qui a touché l’humanité depuis au moins… cinq mille ans. L’histoire du cheval en Tunisie, et par extension en Afrique du Nord, se confond avec toutes les civilisations qui ont marqué notre pays. Du point de vue historique, la Tunisie passe pour un pays qui a été un des premiers à élever le cheval, créant des institutions qui s’occupent strictement de son devenir, chargées de conserver la pureté de la race et surtout de demeurer ouvertes aux progrès qui font de ce secteur un moyen de mobiliser bien des activités annexes.
Des activités devenues de véritables professions qui mettent en branle l’agriculture, la culture, le tourisme, le sport, l’économie, la formation, le commerce et autres.
En effet, pour le ministère de tutelle, parallèlement à ce qui est directement lié à l’élevage et la conservation des espèces, il s’agit aussi de fixer les jeunes en leur assurant un encadrement à même de les intéresser et de multiplier les emplois dans un domaine qui en a besoin, assurer la transmission des connaissances acquises et promouvoir tout ce qui est de nature à conforter et protéger ce qui est avant tout un patrimoine. Une richesse dont les régions, souvent celles qui ont été les berceaux pour l’élevage du cheval, qui sont aujourd’hui les plus défavorisées et qui ont besoin de cet apport pour mettre en valeur leurs spécificités culturelle, touristique et sportive.
Le haras national de Sidi Thabet
Déjà en 1860, ordre a été donné de créer le haras national de Sidi Thabet. Un haut lieu mondialement connu. Vétérinaire et enseignant de zootechnie à l’Inat, le Pr Michel Godard considère «qu’aucune “jumenterie” de France ou d’Afrique n’est en mesure de soutenir la comparaison avec celle de Sidi Thabet en matière d’amélioration génétique de la race du cheval arabe, que ce soit pour l’homogénéité ou pour la pureté de la race (Congrès ECAT 5 mai 1931). Ainsi, le cheval arabe tunisien est le témoin d’un siècle de tradition de courses de chevaux (1905) et le fruit de 125 années de sélection rigoureuse (1890). L’histoire du cheval nous interpelle depuis au moins cinq mille ans. Déjà sur les mosaïques carthaginoises, romaines, byzantines, apparaît ce fidèle compagnon de l’homme qui témoigne non pas seulement de son importance culturelle mais aussi de la place qu’il occupe dans le milieu ambiant où il vit.
Depuis la civilisation capsienne
Quant au cheval barbe, race propre à l’Afrique du Nord, il s’est ancré dans ces terres depuis la civilisation capsienne.
Hannibal et ses cavaliers numides, Tarik Ibn Ziyad et ses cavaliers zénètes, partis à la conquête de Rome et de la future Andalousie, doivent une fière chandelle à cette espèce qui a laissé son empreinte là où elle est passée. L’agilité du cheval barbe est reconnue à travers l’histoire. De Massinissa à Micipsa, de Jughurta à Hannibal, de Tarik Ibn Zyad à Assad Ibn Al Fourat, les historiens louent l’agilité du cheval barbe et reconnaissent son apport différentiel par rapport à la cavalerie adverse. Selon Polybe, durant la bataille de La Trébia (deuxième guerre punique —218 av. J.-C.—), Hannibal Barca a remporté la victoire grâce à «la cavalerie numide légère», corps composé de 1.800 cavaliers auxquels est assigné l’ordre de mener des actions d’attaque et de replis rapides pour attirer les légions romaines de Longus. Il en est de même durant la bataille de Cannes (216 av. J.-C.) où la légèreté de la cavalerie numide et la maniabilité du cheval barbe provoqueront l’effondrement de la cavalerie de Varron permettant ainsi l’encerclement des légions romaines et la victoire d’Hannibal.
C’est aussi cette agilité qui sera l’atout principal de la victoire de Tarik face aux Wisigothes. L’armée wisigothe se composait essentiellement de cavaliers chevauchant des montures imposantes capables de supporter le total des poids du cavalier, de son armure et de ses protections. Ses mouvements étaient lents et ses chevaux lourds. Sur ordre de leur chef, les cavaliers zénètes (tribu amazighe de la région de Kasserine) se sont déployés en aile de pigeon (figure que l’on retrouve aujourd’hui en équitation traditionnelle des Ouled Sidi Tlil).
Une victoire historique
Munis de glaives dans les deux mains et chevauchant à toute allure, ils attaquaient le corps de la cavalerie en réalisant des mouvements de bras vers le bas et blessant leurs adversaires au niveau des jambes, ce qui provoquait la chute des cavaliers wisigoths. L’agilité des chevaux barbes et arabes-barbes associée à une équitation adaptée et une maîtrise des cavaliers zénètes (ce qui engendrera ensuite la monte à la «Jinete») ont permis une victoire historique de la cavalerie berbère. Cet épisode de l’histoire aura des impacts très profonds sur l’art équestre hispanique, d’une part, et surtout sur l’évolution des races autochtones en croisement avec ce cheval barbe et arabe-barbe (andalous, lisutanien, napolitain, camarguais..). C’est à cette époque qu’est né le fameux proverbe arabe qui dit que «l’air du paradis est celui qui souffle entre les oreilles d’un cheval»
A l’origine du cheval pur-sang anglais
Et surtout en Angleterre en ces temps modernes, où Godolphin Barbe a été à l’origine du cheval pur-sang anglais, héros incontesté des courses hippiques dans le monde entier. Vous trouverez ci-contre l’histoire de Godolphin et de sa conquête desquels sont nés les plus grands étalons qui écumèrent les hippodromes qui ont vibré et continuent de frémir face aux exploits que l’on se remémore ou qu’on se prépare à vivre jusqu’à l’éternité.
Le berceau du cheval barbe en Tunisie, nous dit on, se situe entre le Tell septentrional (Kroumirie) et le Haut Tell (Dorsale). La dorsale tunisienne, chaîne calcaire, s’étend des monts de Tébessa (Algérie) vers le Cap Bon et se compose de groupes montagneux calcaires, de plateaux escarpés et de dépressions. Ce sont ces régions qui portent le sceau de l’histoire du cheval barbe en Tunisie. Elles se nomment aujourd’hui Le Kef, Siliana, Kasserine, Gafsa, Oueslatiya.
L’expression de son terroir
La morphologie du cheval barbe, d’après les connaisseurs, «n’est pas uniforme.
Elle est l’expression de son terroir et de son usage (parade, guerre, transport, labour) et du rang de ses maîtres. Il se reconnaît grâce à une encolure moyennement longue, épaisse et bien greffée à sa base, un dos fort et porteur, une épaule distinguée et droite, une arrière-main arrondie légèrement vers le bas et une attache de queue basse.
Cet aspect permet au cheval barbe de supporter des fardeaux lourds, particulièrement lors d’expéditions militaires. En effet, celui-ci est capable de porter un poids de 160 kg et de parcourir des distances importantes lors d’expéditions militaires durant des mois (jusqu’à 50 km/jour). Ce cheval est d’un instinct, d’une complicité, d’une attention et d’un courage à toute épreuve. Il est fier, fidèle et généreux. Il refuse l’injustice et les mauvais traitements.
Pour l’armée, il a été, durant un siècle, le cheval de guerre par excellence.
Les succès de la cavalerie tunisienne
Durant la guerre de Crimée, sous le commandement du Général Rachid et du Général Osman, le contingent tunisien de cavalerie, monté sur des chevaux barbes, participera au succès de la coalition française, anglaise et ottomane (nos historiens parlent de cette épopée escamotée par ailleurs). Composée d’environ 12.000 soldats, elle s’illustrera durant la fameuse bataille de Batakava.
A son retour en Tunisie, il défila devant la grande mosquée de La Kasbah, en présence de S.A. M’Hamed Bey (1857).
Les succès de la cavalerie tunisienne inspireront le réformateur Sadok Bey qui crée un centre d’élevage national du cheval autochtone: le haras de Sidi Thabet (1866)».
Fruit d’une sélection millénaire
Les allures du cheval barbe sont légèrement disgracieuses. Elles rappellent dans certains mouvements les allures saccadées mais équilibrées et confortables d’un ambleur (la définition de ambleur dans le dictionnaire est : allure naturelle ou acquise d’un quadrupède, entre le pas et le trot, consistant à avancer en levant). C’est le fruit d’une sélection millénaire dont les racines remontent aux populations numides autochtones et, plus précisément, à leur mode de pratique de l’équitation. Les Numides chevauchaient leurs chevaux sans harnachement, sans selle et sans bride. Un simple tapis servait de selle et un collier passé autour du cou de bride. Ainsi, le cavalier numide choisira le cheval confortable, donc celui dont les allures se rapprocheraient plus de l’amble.
Le cheval arabe
On vit le cheval arabe en Afrique du Nord à l’occasion des conquêtes musulmanes. Il s’est naturellement mélangé aux autochtones. Cet apport produira le cheval arabe barbe aux allures plus amples et au tempérament plus fougueux. Toutefois, vu le nombre limité de chevaux arabes arrivés au VIIe siècle, puis au XIe siècle, par rapport à la population autochtone, on serait amené à parler, nous précise un éleveur, plus d’un “trempage” de sang que d’une “absorption” (selon la terminologie scientifique de la génétique) .
A l’origine de la création d’autres races
D’après l’auteur Ahmed Rayane, le cheval barbe est à l’origine de la création d’autres races.
Après la conquête de l’Andalousie par Tarik Ibn Ziad, en 711, avec ses 8.000 cavaliers et Moussa Ibn Noucair en 712, avec 15.000 cavaliers, qui va durer huit siècles, il serait aberrant de dire qu’il n’y a pas eu de croisement entre le cheval barbe et d’autres races, comme le prétendent certains. Le premier dérivé du barbe et de l’arabe-barbe fut le «genet d’Espagne». Les pur-sang arabes nés et élevés en Tunisie passent parmi les meilleurs au monde. La Tunisie les exporte un peu partout. La France, l’Angleterre et de nombreux pays d’Amérique du Sud constituent néanmoins les principaux acheteurs de ces chevaux dont certains animent actuellement bien des hippodromes.Comment et de quelle manière s’effectue ce «travail de précision» ?
La Fondation nationale de l’amélioration de la race chevaline nous donne les éléments-clés qui lèvent le voile sur un domaine aussi important où la confiance et la crédibilité ne sont pas de vains mots.
Plein de projets avec la mise en place d’un centre de collecte, de congélation et de semence équine, des études pour la création ou de l’expansion d’autres hippodromes, la mise à niveau du pari mutuel, etc.